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PrÉSentation

  • : PREMIERE AILE
  • : Denis Diderot :"C'est manquer son but que d'amuser et de plaire lorsqu'on peut instruire et toucher"...[ blog destiné aux élèves de Première qui veulent réviser et approfondir les objets d'étude au programme de Français.]
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Écrire pour produire la lumière dont j’ai besoin.

Écrire pour m’inventer, me créer, me faire exister.

Écrire pour soustraire des instants de vie à l’érosion du temps.

Écrire pour devenir plus fluide. Pour apprendre à mourir au terme de chaque instant. Pour faire que la mort devienne une compagne de chaque jour.

Écrire pour donner sens à ma vie. Pour éviter qu’elle ne demeure comme une terre en friche.

Écrire pour affirmer certaines valeurs face aux égarements d’une société malade.

la suite

  Un texte de Charles Juliet 

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28 novembre 2006 2 28 /11 /novembre /2006 00:43

"Eldorado" raconte la double trajectoire d’un policier des frontières, le commandant de frégate Salvatore Piracci, qui perd le sens de sa mission et d’un jeune émigrant soudanais qui tente d’atteindre l’Eldorado européen.

Gardien de la citadelle Europe, le commandant Piracci navigue depuis vingt ans au large des côtes italiennes, afin d’intercepter les embarcations des émigrants clandestins. Mais plusieurs événements viennent ébranler sa foi en sa mission. Dans le même temps, au Soudan, Soleiman et son frère (bientôt séparés par le destin) s’apprêtent à entreprendre le dangereux voyage vers le continent de leurs rêves, l’Eldorado européen..

Le camion roule. Je sens une force sourde qui monte en moi. Jusqu'à présent je n'avais fait que suivre mon frère, maintenant je pars pour le sauver. Je ne dormirai plus la nuit. Je me nourrirai de ver. Je serai dur à la tâche et infatigable comme une machine. On pourra m'appeler 'esclave', je n'en aurai cure. La fatigue pourra me ronger les traits, je n'en aurai cure. J'ai hâte.
Le camion roule. Nous laissons les faubourgs d'Al-Zuwarah derrière nous pour aller trouver le navire qui nous emmènera en Europe. Dès demain, j'y serai. Dès demain, alors, j'enverrai de l'argent à Jamal. Je me concentre sur cette idée. Je suis une boule dure de volonté et rien ne me fera dévier de ma route. La promiscuité des autres corps ne me gêne pas. Les visages des autres hommes ne me font plus peur. Je n'ai qu'une hâte : que le bateau quitte l'Afrique et que mes mains se mettent à travailler.
Chapitre : VI - Le Boiteux - Page : 126 - Editeur : Actes Sud - 2006

«Quand on dit le mot “eldorado”, on sait bien que ça n’existe pas. Pourtant, ça ne nous empêche pas d’y croire. On a tous un eldorado en soi. C’est la part précieuse du désir»

Laurent Gaudé.

Et Voltaire dans tout ça?

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5 novembre 2006 7 05 /11 /novembre /2006 22:37

 Emprunté à la presse suisse :

Quel genre de roman tient-on entre les mains? Auprès de moi toujours, le dernier livre de Kazuo Ishiguro, entre, après tout, dans la catégorie des récits de science-fiction, puisqu'il pose de grandes questions éthiques sur la biotechnologie. Quand nous serons à même de fabriquer des clones humains, des pièces détachées pour prolonger la vie de leur modèle, quelle existence réservera-t-on à ces créatures sans destin? Faut-il les instruire, leur transmettre notre culture au risque de les rendre plus conscients encore de leur sort?

La force du livre d'Ishiguro - un auteur découvert par la revue Granta qui l'a fait figurer dans sa première liste des jeunes écrivains britanniques en 1983 aux côtés de Martin Amis, William Boyd ou Julian Barnes - c'est qu'il traite la science-fiction sur le ton délicieux d'une histoire victorienne. Le monstrueux prend le visage du quotidien. C'est fort: d'un roman comme celui de Michel Houellebecq, La Possibilité d'une île, qui fait évoluer ses clones dans un monde parallèle froid, si étranger au nôtre, nous n'en aurions pas voulu. Auprès de moi toujours commence par le récit nostalgique d'une jeune infirmière évoquant ses souvenirs d'enfance et d'adolescence en internat. C'était à Hailsham, quelque part dans la campagne d'une Angleterre imaginaire. Kathy, la jeune accompagnante, se souvient de ses amitiés de dortoir, de l'insouciance des querelles dans le pavillon du fond du parc, de l'amitié et de l'attachement qu'ils témoignaient, elle et ses camarades, à leurs professeurs.

Kathy et les siens, c'est l'histoire de tous ceux qui ont vécu l'internat. L'identification aux personnages est d'autant plus forte que l'auteur, durant la première partie du roman, utilise à plusieurs reprises ce genre d'expressions: «Je ne sais pas comment c'était là où vous étiez, mais à Hailsham...»

Le lecteur prend conscience de la monstruosité du destin des enfants en même temps qu'eux, c'est-à-dire au fur et à mesure qu'ils grandissent: à huit ans, ils s'inquiètent du regard apeuré des rares visiteurs au collège. Ils n'auront jamais de descendance, ils le savent depuis l'âge de onze ans. Puis, trois ans plus tard, une gardienne leur assène, sous la pluie et en cachette, qu'aucun d'entre eux ne pourra un jour prétendre à un autre métier que donneur, ou accompagnateur de donneur. Que leur corps sera privé de trois ou quatre organes, prélevés un à un, dans la douleur. Ils savaient tout cela sans savoir. Comme un enfant à qui l'on parle de sa maladie, par mots choisis, avec toujours plus de précision au fil de sa croissance.

L'insouciance disparaît, mais elle ne fait jamais place à la révolte. Les clones d'Ishiguro acceptent leur condition de «non-êtres» avec une résignation désarmante. Tout au plus nourriront-ils l'espoir, à la fin du roman, d'un sursis possible de quelques années. Et à quoi tient-il, cet espoir? La rumeur court chez les accompagnateurs: si deux anciens élèves de Hailsham parviennent à prouver leur amour, ils seront exemptés de dons d'organes pendant un temps afin de pouvoir vivre leur passion. Retour candide à une question existentielle: comment l'amour se prouve-t-il?

Alors, quel genre de roman, cet Ishiguro? En fait, l'auteur Vestiges du jour revient à ses thèmes fétiches: il s'agit du destin des hommes, de la capacité de résistance de l'être humain, du miroir de la mort, du pouvoir de l'amour. Le tout dans le décor tranquille et innocent du quotidien. «C'est même un roman optimiste, dit Kazuo Ishiguro, interrogé par Le Magazine littéraire. Car les portraits des êtres humains sont plus positifs que dans les livres précédents, où je m'attachais aux faiblesses des êtres.»

Finalement, qu'importe sa nature? Ce roman magnifique apporte ce qui manque à des livres d'anticipation comme celui de Houellebecq: la force du récit. Musicien malchanceux établi en Angleterre depuis l'enfance, Ishiguro prouve une fois de plus que les écrivains anglophones savent raconter les histoires comme personne. Même si elles sont inquiétantes.


http://www.letemps.ch/livres/Critique.asp?Objet=326

 

Vous en voulez des contre utopies !

http://arbredespossibles2.free.fr/SF.html

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9 octobre 2006 1 09 /10 /octobre /2006 17:50
              Objet d’étude : Argumenter, l’apologue.
 
Liste des documents :
 
Doc.1 : La dent d’or                  Histoire des oracles      Fontenelle   1687
Doc.2 : Lettre de Diderot à Sophie Volland        26 septembre 1762
Doc.3 : Article Philosophe             Encyclopédie       Dumarsais  1751-1762
Doc.4 : Le Ministère de La Vérité    1984               George Orwell      1949
 
 
Questions sur les documents :                                      4 Points
 
1-      Caractérisez le genre de chacun des quatre textes du corpus qui ont pour thème commun la vérité.
2-      Quels reproches Fontenelle adresse-t-il implicitement aux savants d’Allemagne ?
3-      Quel est le point commun entre la démarche du philosophe de Dumarsais et celle  du savant de Fontenelle ? Trouvez dans chaque texte une figure de style qui met particulièrement en valeur cette démarche idéale.
 
Travail d’Écriture               au choix                                         16 points
 
Remettre la feuille d’évaluation avec votre devoir.
Écriture d’invention
 
            A votre tour,  vous rédigerez un apologue - dont la thèse sera explicite- sur le thème de la vérité dans notre société actuelle.
 
                                    Ce récit comportera un minimum de deux pages.
 
Commentaire littéraire
 
         Vous ferez le commentaire littéraire du texte de Fontenelle.(Doc.1)
                                  
 
Conservez vos brouillons ou vos recherches de plan.
http://www.magazine-litteraire.com/images/045-01-108010.jpg
 
 
Doc.1 : La dent d’or Histoire des oracles  1687 (Extrait)
 
 
Il serait difficile de rendre raison des histoires et des oracles que nous avons rapportés, sans avoir recours aux Démons, mais aussi tout cela est-il bien vrai ? Assurons nous bien du fait, avant de nous inquiéter de la cause. Il est vrai que cette méthode est bien lente pour la plupart des gens, qui courent naturellement à la cause, et passent par-dessus la vérité du fait ; mais enfin nous éviterons le ridicule d'avoir trouvé la cause de ce qui n'est point.
Ce malheur arriva si plaisamment sur la fin du siècle passé à quelques savants d'Allemagne, que je ne puis m'empêcher d'en parler ici.
En 1593, le bruit courut que les dents étant tombées à un enfant de Silésie, âgé de sept ans, il lui en était venu une d'or, à la place d'une de ses grosses dents. Horatius, professeur en médecine à l'université de Helmstad, écrivit, en 1595, l'histoire de cette dent, et prétendit qu'elle était en partie naturelle, en partie miraculeuse, et qu'elle avait été envoyée de Dieu à cet enfant pour consoler les chrétiens affligés par les Turcs. Figurez vous quelle consolation, et quel rapport de cette dent aux chrétiens, et aux Turcs. En la même année, afin que cette dent d'or ne manquât pas d'historiens, Rullandus en écrit encore l'histoire. Deux ans après, Ingolsteterus, autre savant, écrit contre le sentiment que Rullandus avait de la dent d'or, et Rullandus fait aussitôt une belle et docte réplique. Un autre grand homme, nommé Libavius, ramasse tout ce qui avait été dit sur la dent, et y ajoute son sentiment particulier. Il ne manquait autre chose à tant de beaux ouvrages, sinon qu'il fût vrai que la dent était d'or. Quand un orfèvre l'eût examinée, il se trouva que c'était une feuille d'or appliquée à la dent avec beaucoup d'adresse ; mais on commença par faire des livres, et puis on consulta l'orfèvre.
Rien n'est plus naturel que d'en faire autant sur toutes sortes de matières. Je ne suis pas si convaincu de notre ignorance par les choses qui sont, et dont la raison nous est inconnue, que par celles qui ne sont point, et dont nous trouvons la raison. Cela veut dire que non seulement nous n'avons pas les principes qui mènent au vrai, mais que nous en avons d'autres qui s'accommodent très bien avec le faux.
Fontenelle (1657-1757) Extrait du chapitre 4 (Anthologie page 209)
 
 
 
 
Doc.2 : Lettre de Diderot à Sophie Volland        26 septembre 1762
(Extrait)
 
 
Ce qui caractérise le philosophe et le distingue du vulgaire, c’est qu’il n’admet rien sans preuve, qu’il n’acquiesce point à des notions trompeuses et qu’il pose exactement les limites du certain, du probable et du douteux.
Cet ouvrage1 produira sûrement avec le temps une révolution dans les esprits, et j’espère que les tyrans, les oppresseurs, les fanatiques et les intolérants n’y gagneront pas.
Nous aurons servi l’humanité.
 
1- Il s’agit de l’encyclopédie
Diderot (1713-1784)

Doc.3 : Article Philosophe Encyclopédie 1751-1762(Extrait)
 
Le philosophe forme ses principes sur une infinité d'observations particulières. Le peuple adopte le principe sans penser aux observations qui l'ont produit : il croit que la maxime existe, pour ainsi dire, par elle-même ; mais le philosophe prend la maxime dès sa source ; il en examine l'origine ; il en connaît la propre valeur, et n'en fait que l'usage qui lui convient.
De cette connaissance que les principes ne naissent que des observations particulières, le philosophe en conçoit de l'estime pour la science des faits ; il aime à s'instruire des détails et de tout ce qui ne se devine point ; ainsi, il regarde comme une maxime très opposée au progrès des lumières de l'esprit que de se borner à la seule méditation et de croire que l'homme ne tire la vérité que de son propre fonds... La vérité n'est pas pour le philosophe une maîtresse qui corrompe son imagination, et qu'il croie trouver partout ; il se contente de la pouvoir démêler où il peut l'apercevoir. Il ne la confond point avec la vraisemblance ; il prend pour vrai ce qui est vrai, pour faux ce qui est faux, pour douteux ce qui est douteux, et pour vraisemblable ce qui n'est que vraisemblable. Il fait plus, et c'est ici une grande perfection du philosophe, c'est que lorsqu'il n'a point de motif pour juger, il sait demeurer indéterminé ...
Dumarsais (1676-1756)
César Chesneau Dumarsais : ami de Diderot et de d’Alembert, maîtres d’œuvres de l’Encyclopédie, il est chargé par eux de rédiger pour cet ouvrage l’article « Philosophe » qui reflète l’idéal du mouvement dit des « Lumières ».
                                                                                (Anthologie p 266)
 
 Doc.4 : Le Ministère de La Vérité    1984 1949
            Winston restait le dos tourné au télécran. Bien qu'un dos, il le savait, pût être révélateur, c'était plus prudent. A un kilomètre, le ministère de la Vérité, où il travaillait, s'élevait vaste et blanc au-dessus du paysage sinistre. Voilà Londres, pensa-t-il avec une sorte de vague dégoût, Londres, capitale de la première région aérienne, la troisième, par le chiffre de sa population, des provinces de l'Océania. [… …]
 
            Le ministère de la Vérité - Miniver, en nov-langue - frappait par sa différence avec les objets environnants. C'était une gigantesque construction pyramidale de béton d'un blanc éclatant. Elle étageait ses terrasses jusqu'à trois cents mètres de hauteur. De son poste d'observation, Winston pouvait encore déchiffrer sur la façade l'inscription artistique des trois slogans du Parti :
La guerre c'est la paix
La liberté c'est l'esclavage
L'ignorance c'est la force.
            Le ministère de la Vérité comprenait, disait-on, trois mille pièces au-dessus du niveau du sol, et des ramifications souterraines correspondantes. Disséminées dans tout Londres, il n'y avait que trois autres constructions d'apparence et de dimensions analogues. Elles écrasaient si complètement l'architecture environnante que, du toit du bloc de la Victoire, on pouvait voir les voir toutes les quatre simultanément. C'étaient les locaux des quatre ministères entre lesquels se partageait la totalité de l'appareil gouvernemental.
 
            Le ministère de la Vérité, qui s'occupait des divertissements, de l'information, de l'éducation et des beaux-arts. Le ministère de la Paix, qui s'occupait de la guerre. Le ministère de l'amour qui veillait au respect de la loi et de l'ordre. Le ministère de l'Abondance, qui était responsable des affaires économiques. Leurs noms, en nov-langue, étaient : Miniver, Minipax, Miniamour, Miniplein.
 
            Winston fit brusquement demi-tour. Il avait fixé sur ses traits l'expression de tranquille optimisme qu'il était prudent de montrer quand on était en face du télécran.
George Orwell (1903-1950)
 
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29 septembre 2006 5 29 /09 /septembre /2006 01:21

http://www.la-fontaine-ch-thierry.net/fables.htm

http://www.memodata.com/2004/fr/fables_de_la_fontaine/index.shtml

 

LE LOUP ET LE CHIEN.


Un loup n'avait que les os et la peau,
Tant les chiens faisaient bonne garde.
Ce loup rencontre un dogue aussi puissant que beau,
Gras, poli, qui s'était fourvoyé par mégarde.
L'attaquer, le mettre en quartiers,
Sir loup l'eût fait volontiers ;
Mais il fallait livrer bataille,
Et le mâtin était de taille
A se défendre hardiment.
Le loup donc l'aborde humblement,
Entre en propos, et lui fait compliment
Sur son embonpoint, qu'il admire.
" Il ne tiendra qu'à vous beau sire,
D'être aussi gras que moi, lui repartit le chien.
Quittez les bois, vous ferez bien :
Vos pareils y sont misérables,
Cancres, hères, et pauvres diables,
Dont la condition est de mourir de faim.
Car quoi ? rien d'assuré ; point de franche lippée ;
Tout à la pointe de l'épée.
Suivez-moi : vous aurez un bien meilleur destin. "
Le loup reprit : " Que me faudra-t-il faire ?
- Presque rien, dit le chien : donner la chasse aux gens
Portants bâtons, et mendiants ;
Flatter ceux du logis, à son maître complaire :
Moyennant quoi votre salaire
Sera force reliefs de toutes les façons,
Os de poulets, os de pigeons,
Sans parler de mainte caresse. "
Le loup déjà se forge une félicité
Qui le fait pleurer de tendresse.
Chemin faisant, il vit le col du chien pelé.
" Qu'est-ce là ? lui dit-il. - Rien. - Quoi ? rien ? - Peu de chose.
- Mais encor ? - Le collier dont je suis attaché
De ce que vous voyez est peut-être la cause.
- Attaché ? dit le loup : vous ne courez donc pas
Où vous voulez ? - Pas toujours ; mais qu'importe ?
Il importe si bien, que de tous vos repas
Je ne veux en aucune sorte,
Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor. "
Cela dit, maître loup s'enfuit, et court encor.

Voir la rubrique palimpfables de l'atelier d'écriture ! Et proposer vos écrits à la publication!

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13 septembre 2006 3 13 /09 /septembre /2006 21:20
Culture

La culture est d’abord, comme chacun sait, l’action de cultiver la terre, de tirer du sol des végétaux utiles à l’homme  : cultures florales, fruitières, maraîchères ou fourragères forment notre PAF – paysage agricole français. Cependant, le mot s’applique aussi à certains animaux tels que les huîtres, les abeilles et les enfants, pour lesquels on a sans doute jugé que le terme d’élevage ne convenait pas. La puériculture ne prétend donc pas élever nos bambous, euh, pardon, nos bambins, mais seulement les laisser pousser. On réalise même des cultures microbiennes, dont on fait du bouillon, mais pas comestible, quoique bio.
Le glissement de cette signification concrète vers un sens figuré plus intellectuel s’opère naturellement – on voit bien par quel chemin : l’esprit humain est comme un immense champ fertile où l’on peut semer des idées, développer des goûts et récolter des émotions. Selon que le cerveau sera plus ou moins irrigué, la culture sera plus ou moins intensive, faisant germer de belles pensées en évitant autant que possible salades et navets. L’esprit n’a cependant pas le monopole de la culture : on peut aussi cultiver son corps – c’est ce qu’on appelle la culture physique. Il arrive que le cerveau reste en jachère complète, on parle alors de culturisme. Le mot « culture » a la même racine que le mot « culte  », ce qui se conçoit bien : l’action de se cultiver suppose une certaine aptitude au respect, un pouvoir de vénération.
Si le culte du corps a ses adeptes, ceux qui s’adonnent à la poésie et aux arts auront plutôt un livre-culte, un film-culte, un auteur-culte.
Malgré tout, la culture ne jouit pas forcément d’un grand prestige. Certains sortent même leur revolver à sa seule évocation, soupçonnant qu’elle pourrait avoir quelque chose à voir avec la vie. Plus généralement, on oppose la culture à la nature, pour souligner parfois le caractère artificiel ou pernicieux des acquisitions humaines, face à la spontanéité du bon sauvage. Le mot allemand « Kultur » est d’ailleurs souvent traduit en français par « civilisation », et l’Histoire nous montre en effet que la culture la plus raffinée n’empêche pas qu’un profond malaise s’y installe, et la barbarie avec. D’autre part, on a pu entendre récemment aux informations que la loi sur l’ouverture des pubs londoniens suscitait le débat, parce que le fait de se saouler à mort chaque week-end faisait partie intégrante de la culture britannique. Quand les hooligans de différents pays s’affrontent, on assiste donc sans doute au fameux choc des cultures… On reproche aussi à la culture de n’être qu’un vernis masquant la sottise et la prétention –  c’est comme la confiture, moins on en a, plus on l’étale. « Tout ce qui flatte le plus notre vanité n’est fondé que sur la culture, que nous méprisons », écrit Vauvenargues. La culture intensive d’un vaste champ, l’engrangement de nombreux savoirs, autrement appelée « érudition », tend par exemple à l’épuisement. L’érudit, reconnaissable à son teint d’endive parce que, comme elle, il ne se cultive pas à l’air libre, a mauvaise presse. Maintenant, quand on dit de quelqu’un : « Oui, il est très cultivé  », c’est à peu près comme de concéder qu’« il est gentil » – bref, un abruti fini. De nos jours, on pratique plutôt la monoculture à rendement immédiat et à rotation rapide : on cultive son réseau, sa forme ou son look, c’est la culture pub.
Mais alors, finirons-nous desséchés sur pied dans un monde inculte ? Comment garder l’âme verte et l’esprit fécond, croiser l’éthique et l’esthétique pour garantir une vaste, une franche culture ? C’est très simple : qu’on soit génie en herbe, graine d’artiste, jeune pousse ou belle plante – avec pour terreau la mémoire, la curiosité, l’ardeur –, secret ou bien ouvert à tous vents, il faut cultiver son jardin. Allez, pas d’hésitation : Voltaire, c’est culte !
 
Camille Laurens
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4 septembre 2006 1 04 /09 /septembre /2006 15:47

CHAPITRE PREMIER

COMMENT CANDIDE FUT ÉLEVÉ DANS UN BEAU CHÂTEAU, ET COMMENT IL FUT CHASSÉ D'ICELUI

Il y avait en Westphalie, dans le château de M. le baron de Thunder-ten-tronckh, un jeune garçon à qui la nature avait donné les moeurs les plus douces. Sa physionomie annonçait son âme. Il avait le jugement assez droit, avec l'esprit le plus simple ; c'est, je crois, pour cette raison qu'on le nommait Candide. Les anciens domestiques de la maison soupçonnaient qu'il était fils de la soeur de monsieur le baron et d'un bon et honnête gentilhomme du voisinage, que cette demoiselle ne voulut jamais épouser parce qu'il n'avait pu prouver que soixante et onze quartiers, et que le reste de son arbre généalogique avait été perdu par l'injure du temps.

Monsieur le baron était un des plus puissants seigneurs de la Westphalie, car son château avait une porte et des fenêtres. Sa grande salle même était ornée d'une tapisserie. Tous les chiens de ses basses-cours composaient une meute dans le besoin ; ses palefreniers étaient ses piqueurs ; le vicaire du village était son grand aumônier. Ils l'appelaient tous monseigneur, et ils riaient quand il faisait des contes.

Madame la baronne, qui pesait environ trois cent cinquante livres, s'attirait par là une très grande considération, et faisait les honneurs de la maison avec une dignité qui la rendait encore plus respectable. Sa fille Cunégonde, âgée de dix-sept ans, était haute en couleur, fraîche, grasse, appétissante. Le fils du baron paraissait en tout digne de son père. Le précepteur Pangloss était l'oracle de la maison, et le petit Candide écoutait ses leçons avec toute la bonne foi de son âge et de son caractère.

Pangloss enseignait la métaphysico-théologo-cosmolonigologie. Il prouvait admirablement qu'il n'y a point d'effet sans cause, et que, dans ce meilleur des mondes possibles, le château de monseigneur le baron était le plus beau des châteaux et madame la meilleure des baronnes possibles.

« Il est démontré, disait-il, que les choses ne peuvent être autrement : car, tout étant fait pour une fin, tout est nécessairement pour la meilleure fin. Remarquez bien que les nez ont été faits pour porter des lunettes, aussi avons-nous des lunettes. Les jambes sont visiblement instituées pour être chaussées, et nous avons des chausses. Les pierres ont été formées pour être taillées, et pour en faire des châteaux, aussi monseigneur a un très beau château ; le plus grand baron de la province doit être le mieux logé ; et, les cochons étant faits pour être mangés, nous mangeons du porc toute l'année : par conséquent, ceux qui ont avancé que tout est bien ont dit une sottise ; il fallait dire que tout est au mieux. »

Candide écoutait attentivement, et croyait innocemment ; car il trouvait Mlle Cunégonde extrêmement belle, quoiqu'il ne prît jamais la hardiesse de le lui dire. Il concluait qu'après le bonheur d'être né baron de Thunder-ten-tronckh, le second degré de bonheur était d'être Mlle Cunégonde ; le troisième, de la voir tous les jours ; et le quatrième, d'entendre maître Pangloss, le plus grand philosophe de la province, et par conséquent de toute la terre.

actualité de Voltaire

réécriture actuelle

Et puis un peu de philo pour de vrai

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4 septembre 2006 1 04 /09 /septembre /2006 15:44
CHAPITRE TROISIÈME


COMMENT CANDIDE SE SAUVA D'ENTRE LES BULGARES, ET CE QU'IL DEVINT
Rien n'était si beau, si leste, si brillant, si bien ordonné que les deux armées. Les trompettes, les fifres, les hautbois, les tambours, les canons, formaient une harmonie telle qu'il n'y en eut jamais en enfer. Les canons renversèrent d'abord à peu près six mille hommes de chaque côté ; ensuite la mousqueterie ôta du meilleur des mondes environ neuf à dix mille coquins qui en infectaient la surface. La baïonnette fut aussi la raison suffisante de la mort de quelques milliers d'hommes. Le tout pouvait bien se monter à une trentaine de mille âmes. Candide, qui tremblait comme un philosophe, se cacha du mieux qu'il put pendant cette boucherie héroïque.
Enfin, tandis que les deux rois faisaient chanter des Te Deum chacun dans son camp, il prit le parti d'aller raisonner ailleurs des effets et des causes. Il passa par-dessus des tas de morts et de mourants, et gagna d'abord un village voisin ; il était en cendres : c'était un village abare que les Bulgares avaient brûlé, selon les lois du droit public. Ici des vieillards criblés de coups regardaient mourir leurs femmes égorgées, qui tenaient leurs enfants à leurs mamelles sanglantes ; là des filles éventrées après avoir assouvi les besoins naturels de quelques héros rendaient les derniers soupirs ; d'autres, à demi brûlées, criaient qu'on achevât de leur donner la mort. Des cervelles étaient répandues sur la terre à côté de bras et de jambes coupés.
Candide s'enfuit au plus vite dans un autre village : il appartenait à des Bulgares, et des héros abares l'avaient traité de même. Candide, toujours marchant sur des membres palpitants ou à travers des ruines, arriva enfin hors du théâtre de la guerre, portant quelques petites provisions dans son bissac, et n'oubliant jamais Mlle Cunégonde.
Proposez sur ce blog en cliquant sur  commentaire des écrivains dénonçant l'absurdité de la guerre
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4 septembre 2006 1 04 /09 /septembre /2006 15:43
 
CHAPITRE SIXIÈME

COMMENT ON FIT UN BEL AUTO-DA-FÉ POUR EMPÊCHER LES TREMBLEMENTS DE TERRE, ET COMMENT CANDIDE FUT FESSÉ  
 
Après le tremblement de terre qui avait détruit les trois quarts de Lisbonne, les sages du pays n'avaient pas trouvé un moyen plus efficace pour prévenir une ruine totale que de donner au peuple un bel auto-da-fé ; il était décidé par l'université de Coïmbre que le spectacle de quelques personnes brûlées à petit feu, en grande cérémonie, est un secret infaillible pour empêcher la terre de trembler.
On avait en conséquence saisi un Biscayen convaincu d'avoir épousé sa commère, et deux Portugais qui en mangeant un poulet en avaient arraché le lard : on vint lier après le dîner le docteur Pangloss et son disciple Candide, l'un pour avoir parlé, et l'autre pour avoir écouté avec un air d'approbation : tous deux furent menés séparément dans des appartements d'une extrême fraîcheur, dans lesquels on n'était jamais incommodé du soleil ; huit jours après ils furent tous deux revêtus d'un san-benito, et on orna leurs têtes de mitres de papier : la mitre et le san-benito de Candide étaient peints de flammes renversées et de diables qui n'avaient ni queues ni griffes ; mais les diables de Pangloss portaient griffes et queues, et les flammes étaient droites. Ils marchèrent en procession ainsi vêtus, et entendirent un sermon très pathétique, suivi d'une belle musique en faux-bourdon. Candide fut fessé en cadence, pendant qu'on chantait ; le Biscayen et les deux hommes qui n'avaient point voulu manger de lard furent brûlés, et Pangloss fut pendu, quoique ce ne soit pas la coutume. Le même jour la terre trembla de nouveau avec un fracas épouvantable.
Candide, épouvanté, interdit, éperdu, tout sanglant, tout palpitant, se disait à lui-même : « Si c'est ici le meilleur des mondes possibles, que sont donc les autres ? Passe encore si je n'étais que fessé, je l'ai été chez les Bulgares. Mais, ô mon cher Pangloss ! le plus grand des philosophes, faut-il vous avoir vu pendre sans que je sache pourquoi ! Ô mon cher anabaptiste, le meilleur des hommes, faut-il que vous ayez été noyé dans le port ! Ô Mlle Cunégonde ! la perle des filles, faut-il qu'on vous ait fendu le ventre ! »
Il s'en retournait, se soutenant à peine, prêché, fessé, absous et béni, lorsqu'une vieille l'aborda et lui dit :
« Mon fils, prenez courage, suivez-moi. »
La controverse de Valladolid évoque aussi la période de  L'Inquisition
 
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4 septembre 2006 1 04 /09 /septembre /2006 15:41

CHAPITRE DIX-HUITIÈME

CE QU'ILS VIRENT DANS LE PAYS D'ELDORADO

Candide et Cacambo montent en carrosse ; les six moutons volaient, et en moins de quatre heures on arriva au palais du roi, situé à un bout de la capitale. Le portail était de deux cent vingt pieds de haut et de cent de large ; il est impossible d'exprimer quelle en était la matière. On voit assez quelle supériorité prodigieuse elle devait avoir sur ces cailloux et sur ce sable que nous nommons or et pierreries.

Vingt belles filles de la garde reçurent Candide et Cacambo à la descente du carrosse, les conduisirent aux bains, les vêtirent de robes d'un tissu de duvet de colibri ; après quoi les grands officiers et les grandes officières de la couronne les menèrent à l'appartement de Sa Majesté, au milieu de deux files chacune de mille musiciens, selon l'usage ordinaire. Quand ils approchèrent de la salle du trône, Cacambo demanda à un grand officier comment il fallait s'y prendre pour saluer Sa Majesté ; si on se jetait à genoux ou ventre à terre ; si on mettait les mains sur la tête ou sur le derrière ; si on léchait la poussière de la salle ; en un mot, quelle était la cérémonie. « L'usage, dit le grand officier, est d'embrasser le roi et de le baiser des deux côtés. » Candide et Cacambo sautèrent au cou de Sa Majesté, qui les reçut avec toute la grâce imaginable et qui les pria poliment à souper.

En attendant, on leur fit voir la ville, les édifices publics élevés jusqu'aux nues, les marchés ornés de mille colonnes, les fontaines d'eau pure, les fontaines d'eau rose, celles de liqueurs de canne de sucre, qui coulaient continuellement dans de grandes places, pavées d'une espèce de pierreries qui répandaient une odeur semblable à celle du gérofle et de la cannelle. Candide demanda à voir la cour de justice, le parlement ; on lui dit qu'il n'y en avait point, et qu'on ne plaidait jamais. Il s'informa s'il y avait des prisons, et on lui dit que non. Ce qui le surprit davantage, et qui lui fit le plus de plaisir, ce fut le palais des sciences, dans lequel il vit une galerie de deux mille pas, toute pleine d'instruments de mathématique et de physique.

Après avoir parcouru, toute l'après-dînée, à peu près la millième partie de la ville, on les ramena chez le roi. Candide se mit à table entre Sa Majesté, son valet Cacambo et plusieurs dames. Jamais on ne fit meilleure chère, et jamais on n'eut plus d'esprit à souper qu'en eut Sa Majesté. Cacambo expliquait les bons mots du roi à Candide, et quoique traduits, ils paraissaient toujours des bons mots. De tout ce qui étonnait Candide, ce n'était pas ce qui l'étonna le moins.

utopie                             Eldorado moderne

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4 septembre 2006 1 04 /09 /septembre /2006 15:40
CHAPITRE DIX-NEUVIÈME

CE QUI LEUR ARRIVA À SURINAM, ET COMMENT CANDIDE FIT CONNAISSANCE AVEC MARTIN

              En approchant de la ville, ils rencontrèrent un nègre étendu par terre, n'ayant plus que la moitié de son habit, c'est-à-dire d'un caleçon de toile bleue ; il manquait à ce pauvre homme la jambe gauche et la main droite. « Eh, mon Dieu ! lui dit Candide en hollandais, que fais- tu là, mon ami, dans l'état horrible où je te vois ? -- J'attends mon maître, M. Vanderdendur, le fameux négociant, répondit le nègre. -- Est-ce M. Vanderdendur, dit Candide, qui t'a traité ainsi ? -- Oui, monsieur, dit le nègre, c'est l'usage. On nous donne un caleçon de toile pour tout vêtement deux fois l'année. Quand nous travaillons aux sucreries, et que la meule nous attrape le doigt, on nous coupe la main ; quand nous voulons nous enfuir, on nous coupe la jambe : je me suis trouvé dans les deux cas. C'est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe. Cependant, lorsque ma mère me vendit dix écus patagons sur la côte de Guinée, elle me disait : " Mon cher enfant, bénis nos fétiches, adore-les toujours, ils te feront vivre heureux, tu as l'honneur d'être esclave de nos seigneurs les blancs, et tu fais par là la fortune de ton père et de ta mère. " Hélas ! je ne sais pas si j'ai fait leur fortune, mais ils n'ont pas fait la mienne. Les chiens, les singes et les perroquets sont mille fois moins malheureux que nous. Les fétiches hollandais qui m'ont converti me disent tous les dimanches que nous sommes tous enfants d'Adam, blancs et noirs. Je ne suis pas généalogiste ; mais si ces prêcheurs disent vrai, nous sommes tous cousins issus de germains. Or vous m'avouerez qu'on ne peut pas en user avec ses parents d'une manière plus horrible.
-- Ô Pangloss ! s'écria Candide, tu n'avais pas deviné cette abomination ; c'en est fait, il faudra qu'à la fin je renonce à ton optimisme. -- Qu'est-ce qu'optimisme ? disait Cacambo. -- Hélas ! dit Candide, c'est la rage de soutenir que tout est bien quand on est mal. » Et il versait des larmes en regardant son nègre, et en pleurant il entra dans Surinam.
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