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  • : PREMIERE AILE
  • : Denis Diderot :"C'est manquer son but que d'amuser et de plaire lorsqu'on peut instruire et toucher"...[ blog destiné aux élèves de Première qui veulent réviser et approfondir les objets d'étude au programme de Français.]
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Écrire pour produire la lumière dont j’ai besoin.

Écrire pour m’inventer, me créer, me faire exister.

Écrire pour soustraire des instants de vie à l’érosion du temps.

Écrire pour devenir plus fluide. Pour apprendre à mourir au terme de chaque instant. Pour faire que la mort devienne une compagne de chaque jour.

Écrire pour donner sens à ma vie. Pour éviter qu’elle ne demeure comme une terre en friche.

Écrire pour affirmer certaines valeurs face aux égarements d’une société malade.

la suite

  Un texte de Charles Juliet 

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25 décembre 2007 2 25 /12 /décembre /2007 12:16
 
23/12/07 18:11 L'écrivain Julien Gracq est mort  

PARIS (Reuters) - Auteur discret et peu sensible aux honneurs, l'écrivain Julien Gracq est mort samedi à l'âge de 97 ans à Angers, dans le Maine-et-Loire.

Il avait refusé en 1951 le prix Goncourt pour "Le rivage des Syrtes" et se définissait comme une "survivance folklorique" en raison de son hostilité à l'évolution du monde de l'édition.

"J'ignore non seulement l'ordinateur, le CD-Rom et le traitement de texte, mais même la machine à écrire, le livre de poche, et, d'une façon générale, les voies et moyens de promotion modernes qui font prospérer les ouvrages de belles-lettres", écrivait-il dans le Monde des livres daté du 5 février 2000.

De nombreuses personnalités politiques et culturelles ont salué la mémoire de l'un des plus grands écrivains français
du XXe siècle, qui a construit "une pensée originale et une oeuvre puissante."

De son vrai nom Louis Poirier, Julien Gracq vivait retiré dans son village natal, Saint-Florent-le-Vieil, près d'Angers, et menait une vie "très éloignée des cercles littéraires et des parades mondaines", selon son éditeur, José Corti.

Né le 27 juillet 1910, il était cependant entré de son vivant, en 1989, dans la prestigieuse collection de Gallimard, la Pléiade.

Jamais édité en poche, il est resté fidèle à des tirages limités qui ne l'ont pas empêché de jouir d'un grand prestige dans le monde des lettres.

"C'était un homme qu'une fiche signalétique n'aurait pu définir que comme moyen en tout. Il n'y a en effet rien de commun entre l'homme et l'oeuvre ; entre le Gracq réservé que l'on rencontre, le professeur froid dont les élèves disent qu'il ne se déride jamais mais fait d'excellents cours et l'écrivain qui a miraculeusement peint les enchantements d'Argol, les féeries de la forêt des Ardennes, les magies de la mer des Syrtes ; qui nous a rendu sensible le poids écrasant du Destin, et qui est le vrai Gracq ; celui que l'on tiendra un jour pour l'un des plus grands écrivains de notre époque", disait José Corti.


"AU CHÂTEAU D'ARGOL"


Les bords de Loire et le pensionnat ont marqué l'enfance de Julien Gracq, qui a fréquenté un lycée de Nantes, le célèbre lycée Henri-IV à Paris puis l'École normale supérieure et l'École libre des sciences politiques.

Agrégé d'histoire, Julien Gracq commence sa double activité en 1937. D'une part, il entreprend son premier livre, "Au château d'Argol", et, de l'autre, il commence à enseigner, successivement aux lycées de Quimper, Nantes, Amiens, et se stabilise au lycée Claude-Bernard à Paris à partir de 1947, jusqu'à sa retraite en 1970.

En 1939, après avoir rencontré André Breton, il devient un compagnon de route du surréalisme, dont il s'éloigne cependant assez vite.

Il était professeur sous son vrai nom, Louis Poirier, et écrivain sous le pseudonyme de Julien Gracq, qui a bâti continûment une oeuvre de romancier, de poète, de nouvelliste, de dramaturge et d'essayiste. Dix-huit livres ont été publiés chez José Corti.

Julien Gracq a publié son premier roman, "Au château d'Argol", à compte d'auteur après avoir essuyé un refus de Gallimard.

"L'ouvrage passe inaperçu et les ventes se totalisent à 150 exemplaires. Mais quelques esprits et non des moindres sont de ses rares lecteurs. Outre Edmond Jaloux et Thierry Maulnier, ...André Breton lui-même à qui Gracq a adressé l'ouvrage", écrit sa maison d'édition.

Julien Gracq aimait le travail à l'ancienne réalisé par José Corti, à savoir des feuilletsnon massicotés que le lecteur se doit d'ouvrir au coupe-papier.

Pour Michel Tournier, il était "le plus grand écrivain français vivant" après avoir dominé pendant cinquante ans les lettres françaises.

"C'est dans ses romans et ses notes de voyages qu'il donne toute sa mesure. On ne peut jamais oublier le professeur de géographie qu'il fut professionnellement. Mais quand le professeur Louis Poirier devient l'écrivain Julien Gracq, il s'impose comme le plus grand paysagiste que nous ayons", écrivait-il.

"J'aime chez Gracq son attention profonde aux paysages et aux topographies, à ce qu'on peut appeler 'l'esprit des lieux'. Je retrouve chez lui certaines sensations que j'ai ressenties sans être capable de les formuler et qu'il a fixées, lui, avec son doigté et sa sensibilité d'acupuncteur", disait Patrick Modiano.

           lien à cliquer

Gérard Bon

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6 novembre 2007 2 06 /11 /novembre /2007 17:34
les prix littéraires

 

Le Prix Goncourt est le plus célèbre des prix littéraires français. Il a été créé en 1896 par testament de l'historien écrivain Edmond de Goncourt (1822-1896), en mémoire de son frère Jules, et proclamé pour la première fois le 21 décembre 1903. Il récompense, selon les statuts de la Société Littéraire des Goncourt, aujourd'hui Académie Goncourt, fondée officiellement par Alphonse Daudet, exécuteur testamentaire d'Edmond de Goncourt, "le meilleur ouvrage d'imagination en prose paru dans l'année", c'est-à-dire donc presque exclusivement un roman, d'auteur français. Selon ses fondateurs, le Prix Goncourt doit récompenser "la jeunesse, l'originalité du talent, les tentatives nouvelles et hardies de la pensée et de la forme".
Sa dotation n'est que de 5.000 francs de l'époque (soit moins de 10 euros) mais le prestige du Prix est tel qu'il provoque une immense vague d'achats du livre primé -- de 300.000 à un million d'exemplaires -- et assure immédiatement la notoriété à son auteur. Le Prix Goncourt est habituellement proclamé début novembre, au restaurant Drouant (Place Gaillon, Paris) où le jury se réunit tout au long de l'année chaque premier mardi du mois pour déjeuner et choisir le lauréat à travers une série de sélections et d'éliminations. Les dix membres à vie du jury -- actuellement François Nourissier, Daniel Boulanger, Robert Sabatier, Françoise Mallet-Joris, Didier Decoin, Edmonde Charles-Roux (présidente du jury), Jorge Semprun, Michel Tournier, Bernard Pivot et Françoise Chandernagor -- se recrutent par cooptation. Le prix ne peut être décerné qu'une seule fois à un même écrivain, mais Romain Gary l'a obtenu deux fois, l'une en 1956 pour Les Racines du ciel, l'autre en 1975, sous le pseudonyme d'Émile Ajar, pour La Vie devant soi. Marcel Proust (1919), André Malraux (1933), Simone de Beauvoir (1954), Patrick Modiano (1978) ou encore Marguerite Duras (1984), ont notamment reçu le Prix Goncourt. On notera que, en un peu plus d'un siècle, deux maisons d'édition seulement, Gallimard et Grasset, se partagent plus de 60 % des Prix Goncourt.

  un regard critique 

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17 octobre 2007 3 17 /10 /octobre /2007 21:21


© Bibliothèque de l'Assemblée nationale - Photo Irène Andréani

« Détruire la misère »

 

Discours à l'Assemblée nationale législative : 9 juillet 1849

 

 

 

Le discours de Victor Hugo appuie la proposition d’Armand de Melun visant à constituer un comité destiné à « préparer les lois relatives à la prévoyance et à l’assistance publique ».

_____

Je ne suis pas, messieurs, de ceux qui croient qu’on peut supprimer la souffrance en ce monde ; la souffrance est une loi divine ; mais je suis de ceux qui pensent et qui affirment qu’on peut détruire la misère.

Remarquez-le bien, messieurs, je ne dis pas diminuer, amoindrir, limiter, circonscrire, je dis détruire. Les législateurs et les gouvernants doivent y songer sans cesse ; car, en pareille matière, tant que le possible n’est pas fait, le devoir n’est pas rempli.

La misère, messieurs, j’aborde ici le vif de la question, voulez-vous savoir jusqu’où elle est, la misère ? Voulez-vous savoir jusqu’où elle peut aller, jusqu’où elle va, je ne dis pas en Irlande, je ne dis pas au Moyen Âge, je dis en France, je dis à Paris, et au temps où nous vivons ? Voulez-vous des faits ?

Il y a dans Paris, dans ces faubourgs de Paris que le vent de l’émeute soulevait naguère si aisément, il y a des rues, des maisons, des cloaques, où des familles, des familles entières, vivent pêle-mêle, hommes, femmes, jeunes filles, enfants, n’ayant pour lits, n’ayant pour couvertures, j’ai presque dit pour vêtement, que des monceaux infects de chiffons en fermentation, ramassés dans la fange du coin des bornes, espèce de  fumier des villes, où des créatures s’enfouissent toutes vivantes pour échapper au froid de l’hiver.

Voilà un fait. En voulez-vous d’autres ? Ces jours-ci, un homme, mon Dieu, un malheureux homme de lettres, car la misère n’épargne pas plus les professions libérales que les professions manuelles, un malheureux homme est mort de faim, mort de faim à la lettre, et l’on a constaté, après sa mort, qu’il n’avait pas mangé depuis six jours.

Voulez-vous quelque chose de plus douloureux encore ? Le mois passé, pendant la recrudescence du choléra, on a trouvé une mère et ses quatre enfants qui cherchaient leur nourriture dans les débris immondes et pestilentiels des charniers de Montfaucon !

Eh bien, messieurs, je dis que ce sont là des choses qui ne doivent pas être ; je dis que la société doit dépenser toute sa force, toute sa sollicitude, toute son intelligence, toute sa volonté, pour que de telles choses ne soient pas ! Je dis que de tels faits, dans un pays civilisé, engagent la conscience de la société tout entière ; que je m’en sens, moi qui parle, complice et solidaire, et que de tels faits ne sont pas seulement des torts envers l’homme, que ce sont des crimes envers Dieu !

Vous n’avez rien fait, j’insiste sur ce point, tant que l’ordre matériel raffermi n’a point pour  base l’ordre moral consolidé !

 

 

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15 octobre 2007 1 15 /10 /octobre /2007 21:24

Repérages des procédés de l’argumentation dans le discours de Victor Hugo

 

Victor Hugo, Discours à l'Assemblée, 30 juin 1850.

 

Victor Hugo élu député en 1848 , siège à droite,  écrit les Misérables depuis deux ans…maîtrise  avec éloquence la diversité des genres et registres…

                Figurez-vous ces caves dont rien de ce que je vous ai dit ne peut donner l'idée ; figurez-vous ces cours qu'ils appellent des courettes, resserrées entre de hautes masures, sombres, humides, glaciales, méphitiques1, pleines de miasmes stagnants, encombrées d'immondices, les fosses d'aisance à côté des puits !

                Hé mon Dieu ! ce n'est pas le moment de chercher des délicatesses de langage !

                Figurez-vous ces maisons, ces masures habitées du haut en bas, jusque sous terre,

 les eaux croupissantes filtrant à travers les pavés dans ces tanières où il y a des créatures humaines. Quelquefois jusqu'à dix familles dans une masure, jusqu'à dix personnes dans une chambre, jusqu'à cinq ou six dans un lit, les âges et les sexes mêlés, les greniers aussi hideux que les caves, des galetas2 où il entre assez de froid pour grelotter et pas assez d'air pour respirer !

                Je demandais à une femme de la rue du Bois-Saint-Sauveur : pourquoi n'ouvrez-vous pas les fenêtres ? - elle m'a répondu : - parce que les châssis sont pourris et qu'ils nous resteraient dans les mains. J'ai insisté : - vous ne les ouvrez-donc jamais ? - Jamais, monsieur !

                Figurez-vous la population maladive et étiolée3, des spectres au seuil des portes, la virilité retardée, la décrépitude précoce, des adolescents qu'on prend pour des enfants, de jeunes mères qu'on prend pour de vieilles femmes, les scrofules, le rachis, l'ophtalmie, l'idiotisme4, une indigence inouïe, des haillons partout, on m'a montré comme une curiosité une femme qui avait des boucles d'oreilles d'argent !

 


             
     
Et au milieu de tout cela le travail sans relâche, le travail acharné, pas assez d'heures de sommeil, le travail de l'homme, le travail de la femme, le travail de l'âge mûr, le travail de la vieillesse, le travail de l'enfance, le travail de l'infirme, et souvent pas de pain, et souvent pas de feu, et cette femme aveugle, entre ses deux enfants dont l'un est mort et l'autre va mourir, et ce filetier5 phtisique6 agonisant, et cette mère épileptique qui a trois enfants et qui gagne trois sous par jour ! Figurez-vous tout cela et si vous vous récriez, et si vous doutez, et si vous niez...

                Ah ! Vous niez ! Eh bien, dérangez-vous quelques heures, venez avec nous, incrédules,

et nous vous ferons voir de vos yeux, toucher de vos mains, les plaies, les plaies saignantes de ce Christ7 qu'on appelle le peuple !

 

Anaphore emploi du démonstratif


Accumulation d’adjectifs –
parallélisme de GN

Chute de la phrase : insistance sur l’hygiène déplorable- rythme croissant de la phrase

Implication du locuteur / un poète qui renonce au langage soutenu-  pour souligner le prosaïsme de la misère

Insistance / reprise sonore mais avec un terme péjoratif
Compléments de lieu qui évoquent l’expansion de la misère – hyperbole ?
Appel au registre fantastique
             
Le regard se déplace – reprise des chiffres et de la préposition qui marque l’étonnement

 Antithèse excès de misère/ manque d’hygiène rythme régulier 8 syllabes

Implication du locuteur/ le poète enquête sur les lieux du drame – discours direct rapporté – demande qu’on lui précise les faits

Reprise de l’adverbe jamais

Reprise de la confusion qu’entraîne la misère- perte d’identité et de dignité utilisation des antithèses /anomalie dans le temps comme dans l’espace

 Accumulation de maladies liées aux carences que provoque la misère /rythme binaire, hyperbole , expansion de l’espace

Hypotypose destinée à frapper le lecteur
Rythme croissant de la phrase


Stratégie de la persuasion : ces misérables travaillent

la misère :  même condition quel que soit l’âge et le sexe

utilisation de l’alexandrin au rythme régulier
antithèse – registre tragique ? destin inéluctable
parallélisme, rimes
reprise du chiffre pour marquer l’injustice de cette rémunération
gradation d’hypothèses qui dénoncent  la réaction des auditeurs – le déni de la misère

 utilisation des phrases exclamatives et injonctives
gradation de « figurez-vous » à « dérangez-vous » de l’éventualité au constat
utilisation du pléonasme pour inciter à la prise de conscience
métaphore référence à la Passion du Christ – le peuple sacrifié – registre pathétique, appel aux sentiments chrétiens, à la vertu de charité

  et pour approfondir

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15 octobre 2007 1 15 /10 /octobre /2007 21:15


©
Assemblée nationale


ce qu'il aurait voulu faire aussi

Victor HUGO
(26/02/1802 - 22/05/1885)

 

ÉTAT CIVIL
   M. Victor HUGO
 
 
   Né le 26/02/1802 à BESANÇON (DOUBS - FRANCE)  
   Décédé le 22/05/1885 à PARIS (PARIS - FRANCE)  
 
 ASSEMBLÉE NATIONALE OU CHAMBRE DES DÉPUTÉS
  13/06/1848-12/ 05/1849 (Assemblée nationale constituante) et 13/05/1849 - 02/12/1851 : Seine  
  08/02/1871 - 01/03/1871 : Seine
 
 SÉNAT OU CHAMBRE DES PAIRS
   de 1845 à 1848 et de 1876 à 1885  
 
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21 juin 2007 4 21 /06 /juin /2007 14:31


Parce que je m'intéresse à la façon dont on met le monde en musée, en particulier le monde des Autres, dans ce que j'appelle les musées des Autres. Mais, au-delà des musées, je cherche à atteindre quelque chose de beaucoup plus diffus, le goût des Autres, qui prend toutes sortes de formes culturelles et esthétiques : la world music, Cesaria Evora et le film Buena Vista Social Club , la nourriture ethnique, les écharpes indiennes et la fascination pour le dalaï-lama, le goût des voyages et le mythe des peuples premiers, ce romantisme qui nous fait rechercher avec nostalgie un paradis perdu dans les peuples qu'on postule primitifs, qui seraient préservés de la corruption de notre société, et en même temps menacés par elle. Ce goût, difficile à analyser, est très répandu dans les sociétés occidentales, et chez des gens très différents, quel que soit leur niveau d'éducation. Et le musée m'intéresse parce que c'est un lieu où se cristallise ce goût des Autres, un lieu où on peut l'étudier.
Qu'est-ce qu'un musée des Autres ? 
C'est ce que j'oppose aux musées de Soi. La plupart des musées sont des musées de Soi : en présentant et en mettant en scène les biens qui définissent l'identité d'une collectivité, ils répondent aux questions : «Qui sommes-nous?» et «D'où venons-nous?» . Ce sont les grands musées d'art, d'histoire ou d'archéologie, ce peut aussi être un musée municipal qui expose des silex, des restes de mosaïque et d'armes de l'âge du bronze trouvés dans la région, ou, très typique de ces musées du Soi, le Musée alsacien de Strasbourg, créé par des Alsaciens francophiles au moment de l'occupation allemande de 1870. Et puis, il y a ces musées beaucoup plus bizarres, les musées des Autres, qui ne répondent pas à la question «Qui sommes-nous?» , mais à : «Qui sont les Autres ?», en exposant les objets rapportés par les missionnaires, les explorateurs et les militaires. C'est largement à partir du classement de ces objets qu'est née l'ethnologie. Au départ, ces musées étaient autant des musées d'histoire coloniale que d'ethnologie, comme par exemple le musée de la France d'Outremer (situé dans le musée permanent des Colonies,Porte Dorée), devenu en 1960 musée des Arts africains et océaniens. Aujourd'hui, ils sont en crise, la notion de musée des Autres ne va plus de soi. Que doit-on en faire ? Les transformer en musées d'arts primitifs ? En musées historiques ? Les fermer ?
Quel sens ces musées prennent-ils dans une époque postcoloniale? 
Le musée de l'Homme, ouvert en 1938, essayait de reconstituer un ensemble de microcosmes, avec des objets «caractéristiques», témoins de différentes civilisations. Il avait créé un monde suspendu hors de l'histoire, qui montrait des Dogons éternels, hors du temps. Il donnait aussi l'image d'un monde colonial pacifié : même quand on exposait des armes, on les présentait comme des armes du passé. Cet univers paisible du musée reflétait la pax gallica que la France faisait régner dans son empire . Le musée de l'Homme restait figé, il y avait un décalage croissant entre ce monde mythique et le monde du dehors que les visiteurs voyaient dans les journaux et à la télévision, plongé dans l'histoire et la violence, dans les guerres coloniales et postcoloniales. Une fois ce constat fait, à la fin du XXe siècle, il y avait plusieurs possibilités. Confrontés à la même situation, les Britanniques ont choisi de créer un musée de l'Empire et du Commonwealth qui montre que la Grande-Bretagne actuelle est le fruit d'une histoire coloniale partagée, y compris dans le conflit. Avec le musée du Quai-Branly et les Arts premiers, la France a fait un choix différent. L'exotisme y prend la forme d'une consommation esthétique de l'altérité et d'une valorisation nostalgique des peuples premiers, présentés comme en harmonie avec la nature.
Vous montrez comment les «peuples traditionnels» sont devenus le symbole de la protestation contre une modernité malfaisante. 
J'ai été frappé de voir qu'il y a dans le monde contemporain des représentations très diffuses, là encore, des «peuples premiers», encore appelés «peuples autochtones» ou «peuples de la nature». Ces représentations ont des formes diverses, mais il y a une croyance commune, ancrée très profondément depuis le XVIe siècle : l'idée du bon sauvage et d'une humanité édénique. En arrivant en Amérique, Colomb a dit : «Dans ces hommes nus, on a l'impression de retrouver une image du paradis .» Ce qui ne l'a pas empêché de réduire ces hommes en esclavage quelques jours plus tard. Cette vision est très présente dans une société industrielle où on cherche des échappatoires. On aime voir dans les Indiens d'Amazonie les derniers hommes vivant harmonieusement dans un monde préservé, des écologistes par nature, qui seraient un espoir de régénération pour l'humanité. Ce mythe, car c'est un mythe, prend des formes très différentes. Il y a la version new age, évoquant une religion première qui n'a en fait de réalité que dans l'esprit de ceux qui l'imaginent, mais aussi des versions néoconservatrices, ou au contraire altermondialistes, qui voient les peuples premiers comme les vecteurs d'une résistance au capitalisme et à la globalisation.
Le danger de ce langage du mythe, c'est qu'il renforce une vision essentialiste parfois caricaturale, où les seuls bons Indiens seraient les Indiens «authentiques». Ceux qui se sont «modernisés» peuvent rester dans leur misère, puisqu'ils ne font rien pour notre désir d'exotisme. En tant qu'anthropologue, j'essaie de rendre ce mythe visible. Peut-être peut-on continuer à le chérir, et tant mieux si les gens continuent à aller au musée Branly et à y trouver quelque chose. Mais il est important de dire : ne croyez pas que vous allez voir des aborigènes ou des Dogons, ce que vous allez faire, c'est vous replonger dans la reformulation mythique d'une humanité des origines.
En France, on a un double langage face à la «diversité culturelle»? 
Le message que la France veut envoyer au monde, notamment à travers le musée Branly, c'est : «la diversité culturelle, c'est bien.» Le discours prononcé par Jacques Chirac à l'ouverture du musée était un hymne à la diversité culturelle. En même temps, les marqueurs de différence comme le foulard, au sein de l'école en particulier, sont refusés : on retrouve la tradition de l'universalisme assimilationniste dans le vocabulaire de l'intégration : pour être français, il faut adopter les signes extérieurs de l'«identité française».
Bien sûr, le débat sur le foulard a d'autres dimensions, mais certains des arguments, notamment la façon dont le corps et le statut de la femme sont problématisés, rappellent furieusement les arguments des années 30. Lors de l'Exposition coloniale de 1931, un congrès a consacré une journée entière à se demander comment améliorer le statut des femmes dans les colonies. Il y avait dans l'entre-deux-guerres, au moins au niveau du discours, une préoccupation constante du pouvoir colonial pour le statut des femmes comme marqueur du niveau de civilisation.
Vous dites que les musées sont censés tenir à distance le côté menaçant des Autres. 
Qu'il s'agisse du musée Branly ou des musées nord-américains, tous mettent en avant un côté harmonieux, pacifié, esthétisé, de l'Autre. Il y a un véritable contraste entre cette altérité du musée, lisse, prête à consommer. Et les autres figures de l'altérité, celles qui apparaissent dans les médias et qui font peur, en particulier l'altérité incarnée par le terrorisme islamiste, associé à des silhouettes sans visage, que ce soit le terroriste masqué ou la femme en burqa. Quand on sait que la reconnaissance de l'humanité passe par le visage, cet Autre est d'autant plus menaçant que son visage ne peut être vu. Encore une fois, je suis frappé par cette opposition entre l'altérité du musée, menacée par la civilisation, domestiquée et à protéger, et l'altérité du dehors, sauvage et menaçante. 
Un nouveau type de musée pourrait donner autre chose à voir ? 
A partir des collections, au lieu de jouer sur la différence et le mythe, on pourrait montrer comment ces objets ont, dès le départ, été pris dans des relations sociales. Ce que l'ethnologie peut montrer, c'est que ces objets sont des noeuds de relations. Relations entre les hommes, ou entre les hommes et les puissances surnaturelles, dans les groupes d'origine. Relations dans la situation coloniale, relations dans le parcours des objets jusqu'au musée et, après encore, dans la valorisation qu'en font certains artistes. En mettant l'accent sur ces relations, il ne s'agit pas d'escamoter la dimension de violence qu'elles ont pu avoir. La colonisation a été une entreprise largement violente, mais elle n'a pas été que cela. Les relations étaient complexes mais, localement, il y a eu des arrangements. Le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui est un mélange de violence et d'aspiration à des relations pacifiques entre les cultures. Revenir sur l'histoire des relations passées pourrait aider à comprendre ce monde et, peut-être, à mieux y vivre.
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21 juin 2007 4 21 /06 /juin /2007 14:25
«Ce romantisme qui nous fait rechercher avec nostalgie un paradis perdu dans les peuples qu'on postule primitifs.»
A d' autres !
On consacre des musées aux cultures d'ailleurs, on pense valoriser les différences. On ne fait que perpétuer la mise en scène du même mythe.
Par Natalie LEVISALLES
QUOTIDIEN : jeudi 21 juin 2007
Benoît de l'Estoile Le Goût des Autres. De l'Exposition coloniale aux Arts premiers Flammarion, 454 pp., 28 €



Benoît de l'Estoile est anthropologue, il a 40 ans. Ancien élève de l'Ecole normale supérieure, il a passé un certain temps au Brésil, dans la favela Fallet, à Rio, puis dans le Nordeste, où il s'est intéressé aux effets de la réforme agraire sur la population. «Qu'est-ce que ça veut dire quand l'univers dans lequel vous vivez est complètement bouleversé ?» C'est parce qu'il a ensuite monté sur place une exposition à partir de ce travail de terrain qu'il a commencé à s'intéresser aux musées. Il avait aussi fait une thèse sur les rapports entre l'anthropologie britannique et les savoirs coloniaux.Les rapports entre l'anthropologie (ou l'ethnologie) et l'univers colonial sont au coeur du Goût des Autres , de même que les musées ethnologiques. A le lire, on a l'impression que l'auteur connaît les musées ethnologiques du monde entier, de Londres à Vienne, en passant par Mexico ou Chicago. Et bien sûr Paris, où se trouvent le musée de l'Homme et le musée des Arts premiers du Quai-Branly, deux endroits où le «goût des Autres», c'est-à-dire le goût pour les Autres, a été mis en scène (et en ordre), quoique de manières totalement différentes.
  Sur le même sujet  
   
Le goût des Autres semble une constante de l'esprit occidental, y compris avec la «pulsion cannibale», le désir d'incorporer, qui l'accompagne souvent. Des spécimens (vivants) de Peaux-Rouges ramenés d'Amérique par les voyageurs des Indes occidentales à la mise en scène ultra-esthétisante du musée du Quai-Branly, notre goût des Autres ne s'est jamais démenti. Même s'il a beaucoup varié dans son expression, et même si nous hésitons devant le sens de certaines de ses manifestations. Prenez par exemple les groupes d'hommes (et de femmes), originaires du Maroc, de Tunisie ou d'Afrique équatoriale, installés sur les pelouses de Vincennes pour l'édification et l'éducation des Parisiens pendant l'Exposition coloniale de 1931, exhibition que certains ont appelée «zoos humains». Si on ne retient que le modèle du «zoo humain», dit Benoît de l'Estoile, on passe à côté de la complexité des discours sur l'Autre. Certes, il y a le discours qu'il appelle «évolutionniste», et qui consiste globalement à dire qu'il y a des races attardées (les Autres) et des races évoluées (Nous) et que les plus évolués ont le devoir d'aider les plus attardés à accéder à la civilisation. C'est le discours de légitimation de la colonisation. Ce n'est pas le seul, il y a aussi le discours «différentialiste», tenu par des hommes comme le maréchal Lyautey, le colonisateur du Maroc, qui pensait qu'il ne fallait pas parler en termes de hiérarchies mais de différences, et que la différence était une valeur à préserver. D'où les reconstitutions grandioses et du temple d'Angkor et de la mosquée de Djenné pendant l'exposition de 1931. D'où aussi l'encouragement donné aux artisans marocains pour qu'ils fabriquent leurs poteries et tissages traditionnels, au lieu de copier ce qui se faisait en France. Il y a le «primitivisme» enfin qui, pour faire vite, peut être défini comme la manière dont certains artistes occidentaux ont repris à leur compte les formes non européennes à la fois comme supports de fantasmes et comme «leviers pour changer l'art» . L'idée sous-jacente étant que l'art des Autres est plus puissant parce qu'en lien plus direct avec la nature, les origines et le sacré. Malraux, rappelle Benoît de l'Estoile, disait : «L'arrière-plan d'une biennale d'art contemporain, c'est le musée de l'Homme.» 
 
Pour qu'il y ait des musées, il faut qu'il y ait des objets à mettre dedans. Plus encore que dans n'importe quel musée, l'origine des objets est ici un sujet délicat, puisque, c'est un euphémisme, la collecte a souvent été brutale. Bien sûr, certains des objets ont été achetés ou échangés, mais d'autres ont simplement été volés, ou «trouvés», sans qu'on se demande à qui ils appartenaient. Si le statut de ces objets peut sembler réglé une fois qu'ils sont dans les vitrines (ou dans les réserves) des musées, en fait, il n'en est rien. Depuis dix ou quinze ans, les descendants (réels ou autoproclamés tels) des populations chez qui ces objets ont été trouvés les réclament aux musées. «Les objets des Autres détenus chez nous sont désormais revendiqués comme symboles d'un Nous.» On a ainsi vu récemment une troupe de néo-Aztèques danser devant le musée de Vienne (Autriche) pour réclamer la coiffe de l'empereur Moctezuma.
 
En examinant toutes les facettes du goût des Autres, et leur matérialisation dans les musées ethnologiques, l'anthropologue analyse la manière dont l'Occident s'est construit une vision mythique de l'Autre, Amérindien par exemple, comme ayant échappé à l'influence dégradante de la civilisation. Mais il nous montre aussi un intéressant effet en retour : comment les représentants des dits «peuples premiers» ont bien compris les bénéfices qu'ils pouvaient tirer en reprenant à leur compte le statut mythique qui leur est attribué par les Occidentaux. Résultat, on voit maintenant émerger de partout (Afrique, Amérique du Sud, Asie) une «rhétorique «mondialisée» mêlant revendication foncière, proclamation de fidélité aux traditions et discours sur la protection de la nature, dans un langage poétique et empreint de références au sacré» . Benoît de l'Estoile pose en fait la question de l'existence même des musées des Autres. Alors qu'ils ont longtemps été la forme la plus structurée, la plus organisée, du voyage vers l'altérité, à une époque où les flux de populations Sud/Nord et Nord/Sud sont incessants, et surtout quand l'Autre habite chez nous, «quel sens prend la proposition d'un voyage de découverte des Autres ?» 
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15 juin 2007 5 15 /06 /juin /2007 23:56
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14 juin 2007 4 14 /06 /juin /2007 19:19
A la demande d'un élève de première L qui passe dès lundi matin ! :007:

Aristote et le classement des êtresPour Aristote, l'esclavage n'est pas contre nature. Il existe une inégalité naturelle. Certains hommes naissent capables de se gouverner, de prendre des initiatives et donc il est logique qu'ils soient des citoyens, des hommes libres, des maîtres. Mais d'autres naissent incapables de se conduire seuls. Il est dangereux de les laisser livrés à eux-mêmes. Il est donc utile à l'esclave d'être esclave, c'est pour son bien. L'inégalité naturelle justifie l'esclavage.

 

Montaigne

"Tout cela, c'est un signe très évident que nous ne recevons notre religion qu'à notre façon et par nos mains, et non autrement que comme les autres religions se reçoivent. Nous nous sommes rencontrés au pays où elle était en usage; ou nous regardons son ancienneté ou l'autorité des hommes qui l'ont maintenue; ou craignons les menaces qu'elle attache aux mécréants; ou suivons ses promesses. Ces considérations-là doivent être employées à notre créance, mais comme subsidiaires : ce sont liaisons humaines. Une autre région, d'autres témoins, pareilles promesses et menaces nous pourraient imprimer par même voie une créance contraire.

Nous sommes chrétiens à même titre que nous sommes ou Périgourdins ou Allemands."

 

 

 

Le sacrifice d’Isaac : une mise à l’épreuve

Le jugement de Salomon


Des cannibales Montaigne

 

Or je trouve, pour revenir à mon propos, qu'il n'y a rien de barbare et de sauvage en cette nation, à ce qu'on m'en a rapporté, sinon que chacun appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage.

 

L’ethnocentrisme selon Lévi Strauss

 

L'ethnocentrisme apparaît comme l'obstacle majeur à l'étude des autres sociétés. Lévi-Strauss construit ce concept par analogie avec celui d'égocentrisme. L'égocentrisme est cette attitude typique chez les jeunes enfants qui consiste à tout ramener à soi, à voir « je » au centre. Dans l'attitude ethnocentrique, ce n'est plus le « moi » qui est au centre mais l'ethnie c'est-à-dire sa société, sa culture. L'ethnocentrisme se définit donc comme une attitude d'origine inconsciente qui consiste à considérer sa propre société comme un modèle et à voir toute différence par rapport à ce modèle comme un signe d'infériorité.
C'est l'ethnocentrisme qui conduit à parler de sociétés « primitives », comme si certaines sociétés étaient restées à l'état premier, préhistorique, nous seuls étant parvenus par le progrès à l'état civilisé. Lévi-Strauss montre que, parce que notre histoire est surtout caractérisée par un développement des sciences, des techniques et de la puissance économique, nous nous imaginons que les sociétés qui n'ont pas su progresser sur ces trois plans sont des sociétés sans histoire. En réalité, toutes les sociétés ont une histoire, même si celle-ci est différente de la notre. Ainsi, si nous prenions, par exemple, comme critère de développement la parfaite adaptation à un milieu particulièrement hostile, ce ne serait plus les Occidentaux qui seraient considérés comme civilisés mais les Bédouins du désert saharien ou les Inuits de l'Arctique. Si l'on prenait comme critère la connaissance des ressources du corps humain, les plus civilisés seraient les peuples de l'Orient et de l'Extrême-Orient etc. Toute culture peut se prévaloir d'une supériorité selon un critère qui lui est propre mais, comme aucun de ces critères n'est plus pertinent qu'un autre, aucune culture ne peut se considérer comme supérieure aux autres.
Il faut bien voir que l'ethnocentrisme est une attitude spontanée et donc universelle. Lévi-Strauss l'exprime en ces termes : « Le barbare est d'abord l'homme qui croit à la barbarie ». On qualifie en effet de barbare les peuples primitifs sans voir que ceux-ci procèdent exactement de la même manière. Ainsi, dans de nombreuses cultures, seuls les membres de la tribu sont qualifiés d'hommes (ou de « bon », d' « excellents » ou de « complets »), les membres des autres tribus étant appelés « mauvais », « méchants » voire « fantômes » ou « apparitions », dénominations conduisant ainsi jusqu'à leur priver de toute réalité. L'idée d'humanité apparaît donc comme une idée tardive et qui n'est d'ailleurs pas elle-même dénuée d'ethnocentrisme. Lévi-Strauss souligne, par exemple, comment la proclamation de l'égalité naturelle entre les hommes et de la fraternité qui doit les unir sans distinction de races ou de cultures néglige la diversité des cultures et nie en réalité les différences qu'elle n'arrive pas à comprendre. Les cultures sont bien différentes mais non inégales pour autant. Ramener la différence à l'inégalité ou l'égalité à l'identité constituent deux formes d'ethnocentrisme.

 Sepulveda >>>>>Aristote l'ethnocentrisme
Las Casas >>>>>>Montaigne

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3 mai 2007 4 03 /05 /mai /2007 01:06
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