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  • : PREMIERE AILE
  • : Denis Diderot :"C'est manquer son but que d'amuser et de plaire lorsqu'on peut instruire et toucher"...[ blog destiné aux élèves de Première qui veulent réviser et approfondir les objets d'étude au programme de Français.]
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Écrire pour produire la lumière dont j’ai besoin.

Écrire pour m’inventer, me créer, me faire exister.

Écrire pour soustraire des instants de vie à l’érosion du temps.

Écrire pour devenir plus fluide. Pour apprendre à mourir au terme de chaque instant. Pour faire que la mort devienne une compagne de chaque jour.

Écrire pour donner sens à ma vie. Pour éviter qu’elle ne demeure comme une terre en friche.

Écrire pour affirmer certaines valeurs face aux égarements d’une société malade.

la suite

  Un texte de Charles Juliet 

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6 mai 2006 6 06 /05 /mai /2006 20:17

Messieurs,

«Offrir à tous les individus de l'espèce humaine les moyens de pourvoir à leurs besoins, d'assurer leur bien-être, de connaître et d'exercer leurs droits, d'entendre et de remplir leurs devoirs ; Assurer à chacun d'eux la facilité de perfectionner son industrie, de se rendre capable des fonctions sociales auxquelles il a droit d'être appelé, de développer toute l'étendue des talents qu'il a reçus de la nature, et par là, établir entre les citoyens une égalité de fait, et rendre réelle l'égalité politique reconnue par la loi : Tel doit être le premier but d'une instruction nationale ; et, sous ce point de vue, elle est pour la puissance publique un devoir de justice.

Diriger l'enseignement de manière que la perfection des arts augmente les jouissances de la généralité des citoyens et l'aisance de ceux qui les cultivent, qu'un plus grand nombre d'hommes deviennent capables de bien remplir les fonctions nécessaires à la société, et que les progrès toujours croissants des lumières ouvrent une source inépuisable de secours dans nos besoins, de remèdes dans nos maux, de moyens de bonheur individuel et de prospérité commune ; cultiver enfin, dans chaque génération, les facultés physiques, intellectuelles et morales, et, par là, contribuer à ce perfectionnement général et graduel de l'espèce humaine, dernier but vers lequel toute institution sociale doit être dirigée; tel doit être l'objet de l'instruction ; et c'est pour la puissance publique un devoir imposé par l'intérêt commun de la société, par celui de l'humanité entière. (...) Nous avons pensé que, dans ce plan d'organisation générale, notre premier soin devait être de rendre, d'un côté, l'éducation aussi égale, aussi universelle ; de l'autre, aussi complète que les circonstances pouvaient le permettre ; qu'il fallait donner à tous également l'instruction qu'il est possible d'étendre sur tous, mais ne refuser à aucune portion de citoyens l'instruction plus élevée, qu'il est impossible de faire partager à la masse entière des individus ; établir l'une, parce qu'elle est utile à ceux qui la reçoivent ; et l'autre, parce qu'elle l'est à ceux même qui ne la reçoivent pas. La première condition de toute instruction étant de n'enseigner que des vérités, les établissements que la puissance publique y consacre doivent être aussi indépendants qu'il est possible de toute autorité politique. (...) Nous avons observé, enfin, que l'instruction ne devait pas abandonner les individus au moment où il sortent des écoles ; qu'elle devait embrasser tous les âges ; qu'il n'y en avait aucun où il ne fût utile et possible d'apprendre, et que cette seconde instruction est d'autant plus nécessaire, que celle de l'enfance a été resserrée dans des bornes plus étroites.»

Dès lors, les habitants d'un même pays n'étant plus distingués entre eux par l'usage d'une langue plus grossière ou plus raffinée ; pouvant également se gouverner par leurs propres lumières ; n'étant plus bornés à la connaissance machinale des procédés d'un art et de la routine d'une profession ; ne dépendant plus, ni pour les moindres affaires, ni pour se procurer la moindre instruction, d'hommes habiles qui les gouvernent par un ascendant nécessaire, il doit en résulter une égalité réelle, puisque la différence des lumières ou des talents ne peut plus élever une barrière entre des hommes à qui leurs sentiments, leurs idées, leur langage, permettent de s'entendre ; dont les uns peuvent avoir le désir d'être instruits par les autres, mais n'ont pas besoin d'être conduits par eux ; peuvent vouloir confier aux plus éclairés le soin de les gouverner, mais non être forcés de le leur abandonner avec une aveugle confiance.
C'est alors que cette supériorité devient un avantage pour ceux même qui ne le partagent pas, qu'elle existe pour eux, et non contre eux. La différence naturelle des facultés entre les hommes dont l'entendement n'a point été cultivé produit, même chez les sauvages, des charlatans et des dupes ; des gens habiles et des hommes faciles à tromper ; la même différence existe [216] sans doute dans un peuple où l'instruction est vraiment générale ; mais elle n'est plus qu'entre les hommes éclairés et les hommes d'un esprit droit, qui sentent le prix des lumières sans en être éblouis ; entre le talent ou le génie, et le bon sens qui sait les apprécier et en jouir ; et quand même cette différence serait plus grande, si on compare seulement la force, l'étendue des facultés, elle ne deviendrait pas moins insensible, si on n'en compare que les effets dans les relations des hommes entre eux, dans ce qui intéresse leur indépendance et leur bonheur.
Ces diverses causes d'égalité n'agissent point d'une manière isolée ; elles s'unissent, se pénètrent, se soutiennent mutuellement, et de leurs effets combinés résulte une action plus forte, plus sûre, plus constante. Si l'instruction est plus égale, il en naît une plus grande égalité dans l'industrie, et dès lors dans les fortunes ; et l'égalité des fortunes contribue nécessairement à celle de l'instruction ; tandis que l'égalité entre les peuples, et celle qui s'établit pour chacun, ont encore l'une sur l'autre une influence mutuelle.
Enfin, l'instruction bien dirigée corrige l'inégalité naturelle des facultés, au lieu de la fortifier, comme les bonnes lois remédient à l'inégalité naturelle des moyens de subsistance ; comme dans les sociétés où les institutions auront amené cette égalité, la liberté, quoique soumise à une constitution régulière, sera plus étendue, plus entière que dans l'indépendance de la vie sauvage. Alors, l'art social a rempli son but, celui d'assurer et d'étendre pour tous la jouissance des droits communs, auxquels ils sont appelés par la nature.

Cité dans "1789, recueil de textes et documents du XVIIIème s. à nos jours", édité par le Ministère de l'Education Nationale et le Centre National de la Documentation Pédagogique, 1989, p. 139

http://expositions.bnf.fr/lumieres/pedago/fiche_2.pdf

 

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