Quelle profonde déception, messieurs, d'apprendre vos nominations dans l'équipe de François Fillon. Quelle image de l'engagement politique, au sens le plus noble du terme, donnez-vous là au peuple de France, habité par des valeurs d'honnêteté et d'intégrité ? Comment avez-vous pu accepter d'être solidaires d'un gouvernement qui créé un ministère de l'Immigation et de l'Identité nationale ? Comment avez-vous pu accepter de travailler pour Nicolas Sarkozy, un président de la République qui stigmatise les plus pauvres de nos concitoyens, sans parler des mesures fiscales sur les droits de succession ? Messieurs Hirsch et Kouchner, ma femme de ménage se lève tôt et travaille intensément pour assurer la survie de sa famille à laquelle elle n'aura jamais rien à léguer. Moi, je vais payer moins d'impôts et je pourrai transmettre à mes enfants une somme conséquente que j'aurai acquise grâce au nouveau dispositif fiscal, et je trouve cela profondément inégalitaire.
Messieurs, comment avez-vous pu accepter de travailler pour un président qui censure la presse, adhère à une vision déterministe de la nature humaine, et porte aux nues les valeurs de reniement en faisant ouvrir ses meetings par un ancien responsable socialiste ? La liste est longue, et vous n'ignorez pas les effets symboliques de votre nouvel engagement. Messieurs Hirsch et Kouchner, votre engagement dans l'opposition politique aurait été précieux, opposition plus que jamais nécessaire pour que vive la démocratie. Il me faudra expliquer ce soir à mes enfants que le goût du pouvoir peut conduire certains à renier leurs engagements passés ; j'en suis profondément triste. Il me faudra surtout leur rappeler qu'il est noble de se battre pour défendre des idées en respectant les règles de la démocratie, qu'il importe d'être toujours intransigeant à l'égard de l'exclusion et des inégalités, et que les politiques qui renient leurs valeurs par goût du pouvoir ne sont heureusement qu'exception.
Nathalie Bajos, chercheuse le 26 mai 2007